galerie les Chantiers Boite Noire

Christophe Sarlin

Christophe Sarlin

Yann Chevalier, http://www.20qmberlin.com/bilder/sarlin/zqm_ChristopheSarlin.pdf

 

1963 / 2007, oeuvre de Christophe Sarlin se compose de deux parties : une tôle de métal laquée en « bleu continental », la couleur exacte de la voiture dans laquelle a été tué le président Kennedy ; La tôle est un carré de 1,80 m de côté soit la taille du président assassiné. Elle est présentée inclinée sur un dispositif sonore diffusant le rapport Warren qui révéla les conclusions officielles de l’enquête sur le meurtre du président américain. Le rapport, dont l’enregistrement dure plus de trente heures, est lu par une voix de synthèse. C’est la première fois qu’il est lu.

Le carré bleu, objet géométrique pur, fait bien sûr référence à l’art minimal, courant emblématique de l’art américain des années 60. Mais l’utilisation des codes de l’art minimal n’est qu’un outil dont l’artiste utilise toutes les potentialités, jusqu’au référencement temporel. C’est un signe qui reprend des éléments matériels extraits de l’événement. Le travail de recherches en amont de Christophe Sarlin est très important. Après avoir établi quel lien personnel il pouvait avoir avec l’assassinat du président Kennedy, il accumule une importante documentation, allant notamment interviewer Nicole Salinger, veuve d’un proche conseiller de Kennedy, sur les liens que son mari avait avec le président, liens qu’elle même ne connaissait que de seconde main. Puis cette documentation est peu à peu condensée, jusqu’à ce que n’en reste qu’une trace minime. On n’est pas loin non plus du photographe de Blow Up d’Antonioni qui par agrandissement photographique révèle quelque chose. Ici l’agrandissement aurait été mené jusqu’à ce qu’il ne reste qu’un gros pixel bleu.

C’est par un travail du spectateur qu’un sens lui est peu à peu donné. Le rapport Warren, dont la version des faits

n’a pas mis un terme aux spéculations de toutes sortes, et que l’on accusa de cacher la vérité, est lui-même dissimulé par la tôle. Par ailleurs, il sert de socle à la sculpture. La trace matérielle est portée par une fiction. John Kennedy est un héros moderne et sa mort est une tragédie mythique. La pièce permet de réactiver ce mythe comme

elle réactive les codes minimalistes. L’énorme quantité de bruits qui ont couru après l’assassinat de Kennedy a donc ainsi paradoxalement plus de solidité, plus de force que le métal, que l’automobile, que l’homme. Plus de réalité aussi ? C’est à un travail sur la construction dialectique de la fiction et du réel que nous avons affaire ici.

C’est dans l’intervalle entre l’événement et nous, dans ce lieu rempli de récits dont le statut restera incertain, que réside l’œuvre de Christophe Sarlin.