Faire récit de tout boisMickaël Roy
Jimmy Richer ne se lasse pas de raconter des histoires. L'univers narratif que ses oeuvres développent, nourri par une quête de connaissances et de savoirs, savants ou vernaculaires, trouve ses débouchés dans l'image dessinée et dans la sculpture d'objets. Ces médiums, employés pour livrer les potentiels éléments d'un récit, cristallisent les formes imaginées à partir de marqueurs souvent issus des temps médiévaux et modernes, débusqués dans l'épaisseur de référents historiques extraordinaires, burlesques, fantasques ou anecdotiques et ce faisant toujours porteurs d'événements et de faits de la culture occidentale. Par ce biais, Jimmy Richer fait surgir dans son travail, entre autres choses, les motifs d'une danse macabre plus drolatique que dramatique tant les squelettes mortifères semblent devenus inoffensifs, dépossédés de leur pouvoir d'effroi ; celui aussi d'un cercueil vertical traversé de néons lumineux, pour suggérer la réminiscence d'un dogme chrétien à propos du corps considéré comme ce lieu que l'on est condamné à porter de notre vivant comme il est condamné à sa mise en bière. Dans la continuité de cet intérêt pour des représentations issu du registre religieux, il y a cette histoire tout à fait rocambolesque dont l'on saisit un fil par l'intermédiaire de la représentation de la figure du Pape bénissant un étron fumant : sous le titre Sitôt que sonne votre obole, du feu brûlant l'âme s'envole, la fresque convoque la mémoire de Johann Tetzel, prédicateur catholique allemand du 16e siècle, resté célèbre pour avoir été pris à son propre piège pour le trafic d'indulgences organisé par le Vatican dont il faisait commerce à son avantage. Si ce qui est lu et découvert par l'artiste au cours de ses investigations relève de sources littéraires, archivistiques ou médiatiques, la traduction visuelle qu'il en propose relève d'une approche figurative qui fait disparaître l'origine des sources au profit d'un imaginaire qui a trouvé son style propre et qui révèle l'intérêt de l'artiste pour la bande dessinée, ici privée de son vocabulaire. Il faut donc s'accrocher aux motifs proliférants des représentations pour lire ces histoires, en saisir la possibilité d'un début, d'une fin ou d'un milieu, car telles qu'elles sont imagées, elles ne font aucun recours à la linéarité d'un schéma narratif traditionnel. La fulgurance de l'invention qui opère à leur rencontre, à laquelle fait assurément confiance Jimmy Richer, ne fait pas l'économie du verbe pour le regardeur : ce pouvoir d'apparition du mot à l'image et inversement, sollicite avec assiduité la capacité de résurgence de ces tranches d'histoire à partager.
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