galerie les Chantiers Boite Noire

Pierre Joseph

Atlas, images restaurées

Marie-José Muller-Llorca, Villa du parc, Annemasse

 

A propos d’Atlas et de ses occurrences à la Villa du Parc, Annemasse.


« Atlas, images restaurées » est une des occurrences d’Atlas présentées à la Villa du Parc. Elle restitue l‚ensemble des séries de dessins du premier workshop sous forme d‚affiches. Les dessins apparaissent, désormais, en blanc sur un fond monochrome. Les couleurs choisies sont expressément indexées aux codes de représentation habituellement en usage dans chaque champ de référence ; elles identifient et unifient chaque série, lui permettant de se déployer dans les espaces d‚exposition de manière autonome.

Avec cette nouvelle temporalité d’Atlas, Pierre Joseph amplifie et décompose les enjeux du
protocole initial. « Atlas, images restaurées » interroge les corrélations étroites entre savoir et représentation. En effet, le statut d‚image restaurée vient accentuer la prégnance des modèles formels déjà convoqués lors des dessins de mémoire et souligne les concordances implicites entre les procédures d‚acquisition  du savoir et  les procédures de restitution.

Par glissements successifs, « Atlas » explore et disjoint les plans de l‚évidence et de la conformité. Dans un premier temps, en convoquant et croisant volontairement des savoirs relevant des formes de l’appris ˆ savoirs disciplinaires et objectivés dont la mémorisation fait l‚objet de processus normés ˆ et des savoirs relevant des formes du construit ˆ savoirs individués dont les modalités d‚acquisition échappent aux dispositifs évalués -  Pierre Joseph  interroge nos pré-requis culturels. Il met en scène sur un plan d‚équivalence, les images surexposées du savoir institué et ce qui demeure l’irreprésenté du savoir éprouvé.
Ensuite, la « restauration » qu‚il leur fait subir en les assujettissant à un format unique renforce visuellement leur confrontation, tout en leur conférant, de principe, un nouveau statut d‚autorité.

Les écarts et les hiérarchies instaurés par les convenances et les conventions tombent devant le verdict de la lecture comparative : aucune série n‚échappe aux inexactitudes, aux oublis, aux erreurs, voire aux extravagances ; tout savoir, quelque soit son mode de transmission, est lacunaire.

« Atlas, images restaurées » et les nouveaux workshops qui vont l‚accompagner et l‚actualiser, organisent la lisibilité de connaissances éparses appartenant tout aussi bien au territoire du collectif que de l‚intime. Distribuées selon des registres qui restent opaques à notre compréhension, ce que nous nommons connaissances n‚est pas uniquement le résultat d‚opérations combinant les modèles de la concentration, de l‚intellectualisation∑ et les systèmes de mémorisation, mais tout autant son envers, son n-1 duchampien. Les activités cognitives se développent en englobant des formes d’aveuglement, d’évitement, d’omission, d’absence de discernement.

En regard de ce constat, les diverses occurrences d‚Atlas sont élaborées comme des pièces
ouvertes sur le réel des regardeurs ; elles prennent le risque du pragmatique, de l’expérience, du témoignage, de la délégation autant de paramètres n‚évacuant ni le désir, ni le ludique, ni les aléas de la mise en commun.

Le dispositif conçu par Pierre Joseph est le fruit d‚une pensée discursive prenant en compte la discontinuité structurelle de tout savoir et procédant par ponctions et par incises ; en cela, les diverses occurrences d’ « Atlas », notamment ses séries de séries, peuvent être saisies comme des outils de perception et de description et à ce titre participent - sur le mode allégorique - du chantier, depuis longtemps ouvert, d’une « archéologie du savoir ».


Marie-José Muller-Llorca, 2005