galerie les Chantiers Boite Noire

Lucien Pelen

Galerie ChantiersBoîteNoire, Lucien Pelen à la rencontre du paysage

Lise Ott, Midi libre mai 2007


La rencontre, titre d’une des photographies que présente Lucien Pelen, est sans doute l’une des plus surprenantes de ce qu’il estime être « une nouvelle série ». Debout sur un terrain plat, deux personnages masculins, vêtus de bleu de travail et coiffés d’un seau, se tendent la main, en un signe d’entente protocolaire auquel bien des événements officiels dans le monde nous ont habitués. S’agit-il de singer une posture ? Ou, bien au contraire, de célébrer une utopie : celle qui consiste à fonder l’élan, sans idée préconçue, d’un lien fraternel devant un paysage de Lozère et un ciel étincelant ?

En tout cas, l’artiste connaît bien le tableau éponyme peint par Gustave Courbet en 1854, acquis par le Musée Fabre grâce au collectionneur Bruyas.. Dans  cette œuvre, l cdre champêtre est en réalité dominé par la célébration d’une rencontre légendaire entre un artiste et son mécène. Pour Pelen, au contraire, le paysage est « un espace nouveau à grande attraction », vis-à-vis duquel « l’homme tente de se redéfinir ». Il a donc bien d’autres qualités que celles qu’on lui attribue, sous couvert de le dominer. Et peut-être même de le détruire.

Ainsi, une image panoramique, sans titre, expose-t-elle « les plaines grandioses d’un espace tellurique » : ses douces montagnes bleutées, son ciel rosé, son sol doré par les rayons du couchant. A l’extrême droite, un personnage, toujours pareillement affublé, part à sa conquête, tout sens en éveil et convaincu de sa petitesse. Ce n’est ni l’explorateur radieux ni le marcheur solitaire mais l’aventurier enthousiaste.

D’autres photos « les bottes » ou « la planche » approfondissent un semblable désir de remettre l’homme à sa juste place. Il s’agit de déjouer ses traditionnelles manigances pour tirer de la nature de quoi satisfaire on propre ego. Ici, les quêtes d’élévation ou d’équilibre, jugées « absurdes et élitistes », sont considérées avec ironie. L’un se hausse sur de ridicules échasses, un autre se raidit  allongé sur des tréteaux, comme pour rivaliser avec l’immuable tranquillité des montagnes.

Dans un tirage hors série, publié par la galerie Esca, de  précédentes tentatives sont mises à jour : se promener nu dans la nature comme un chasseur de la préhistoire ou s’accrocher d’une main à la balustrade métallique d’un pont de chemin de fer, en s’aspergeant la tête de l’autre. Décidément, face aux discours pesants, Pelen choisit de rire.

Né en 1978 à Aubagne, diplômé de l ‘Esbama de Montpellier, il a en fait le bon goût de s’attaquer à des stéréotypes. Car le paysage, devenu symptôme de grand style dans l’art depuis le 19éme siècle, est de plus en plus guetté par des visions artificielles. A ce rythme, l’homme pourrait bien y perdre de sa liberté.