galerie les Chantiers Boite Noire

Lucien Pelen

Encres

Lucien Pelen

 

 

Cette nouvelle série semble développer une volonté de changement. Ainsi on court vers un mur invisible pouvant se dresser dans les plaines grandioses d’un espace tellurique. Frapper de rencontre un nouvel espace inconnu, où le corps viendrait redéfinir ses contours, tel  une ombre chinoise. On oublie la rencontre à l’espace, dans lequel l’homme semble avoir des racines. Ainsi, la définition de lui-même ne se fait plus dans un rapport à un autre, qui serait proche, et dans lequel le reflet renverrai à nos espaces intérieurs, mais dans une redéfinition par rapport à un inconnu immatériel qui réécrirait le corps à la manière d’un ciseau découpant une silhouette dans un bout de papier.

 Les ustensiles de cuisine, parfois en tas, comme pour rééquilibrer le balancement d’un homme face à l’élément qu’il aurait provoqué, parfois éclatés au sol, pour l’asseoir un peu plus tout en démultipliant le reflet qu’il ne semble saisir et qu’il provoque, parfois sans, pour rendre la quête plus vaine et l’élément dominant.

Ces deux petits pots à lait qui balancent au bout des bras. Réceptacles peut-être du message porté, et éventuellement à venir, d’une possible rencontre. Ou bien contenants, des fouilles d’un passé de quêtes, dérisoires et fragiles ; et à qui donc les transmettre ?

Peut-être de simples sonnailles de l’égaré d’un troupeau.

 Car l’homme porte un casque : dès qu’il n’est plus dans la marche. L’empêchant de voir, et attirant la foudre de l’élément bravé et provoqué, cette posture de pionnier, vers la terre nouvelle et inconquise, porte le danger vers la rencontre à venir, éventuelle, mais inévitable.

 C’est un espace nouveau, à grande attraction, où semble  habiter la masse du fer, porteur d’échange entre le ciel et la terre. Là est un corps qui pourtant en aveugle, tente de se redéfinir, en renvoyant vers l’espace et au travers de sa tête : un reflet. Car c’est bien l’inconnu qui permet à l’homme de se redécouvrir. On ne se défini jamais mieux que parce que l’on n’est pas. Face au vide pour la forme, et face à l’autre pour le fond.

 Les bottes : petit pied de nez à qui sait le voir de Pelen en danger. Et puis de l’art qui n’est pas sur commande. La posture qui recadre l’homme dans le paysage, à la fois élitiste et absurde : ainsi je peux voir au-delà de cette crête. Et puis la démarche qui se nourrit de l’expérimentation dans l’espace du dehors devenu l’atelier, à l’aide d’objets dérisoires et peu coquets.

 Dans l’ensemble, la rencontre, l’apparition de l’autre, la décision de regard sur l’autre. On l’a déjà vu, l’autre, mais comme instrument nécessaire à l’action, à la performance. Il apparaît ici entier, dans la rencontre, ou immatériel dans la planche. Clin d’œil au passage du côté de notre cher Courbet.

 Ceci sont quelques pistes. Le plus dur étant d’évoquer, sans prendre aux autres leur regard et leur intérêt. Libre est à chacun d’enrichir l’œuvre de sa sensibilité et de son interprétation. Et comment ne pas paraphraser l’image qui porte déjà en elle il me semble, bien plus qu’un discours ?

 Lucien Pelen

Mars 2007

 

 1. Aaron Schuster, à propos d’Yves Klein in « Le Cosmonaute de l’érotique future : une brève histoire de la lévitation de Saint Joseph à Yuri Gagarine », catalogue du Printemps de septembre, Toulouse, 2008, p.40.