galerie les Chantiers Boite Noire

expositions

Bénédicte Loichemol

du 04.05.2018 au 07.07.2018

 

 
 

 

 

I Wanna Be Your Doll

 

Lettre à Hélène Magnùsson*, été 2012

 

‘Je réfléchis beaucoup à ce qu’implique notre collaboration par rapport au fait de devenir ta poupée. Je t’enverrai bientôt un texte très personnel qui explique mes intentions profondes.

Devenir une poupée est une posture fictive qui m’inspire un travail artistique lié à une expérience intime.

 

Est-ce que nous sommes d’accord ?

Je te propose d’être ta poupée dans le cadre d’une performance artistique où tu me fabriques un costume à l’image de Théodora, ta petite poupée en laine.

Il s’agit de mon projet mais je m’engage à mettre en valeur tes créations textiles selon les termes de notre collaboration.

 

Points à discuter:

Tu décides complètement de l’apparence de la poupée Théodora

En tant que Théodora, je fais tout ce que tu demandes ou presque ! Est-ce que je me promène avec tes créations ? Celles d’autres tricoteuses ?

Est-ce que je suis ‘ta poupée’ exclusivement ? Est-ce qu’on joue avec d’autres personnes ? ’ 

 

Hélène Magnússon est une créatrice textile et styliste de l’Académie des Arts d’Islande. Ancienne avocate parisienne, elle est installée en Islande depuis 20 ans. Passionnée par les traditions de son pays d’adoption, c’est une des ambassadrices du tricot islandais, dont elle perpétue à la fois la tradition tout en le modernisant.

 

Durant ma résidence d’artiste en Islande, j’ai proposé à des tricoteusesentre quarante et soixante-dix ans, d’être leur poupée.  Je leur ai demandé de fabriquer avec moi, une combinaison intégrale en laine. Lorsqu’elles étaient enfants, ces femmes ne jouaient pas à la poupée, elles leur préfèreraient des créatures invisibles, inspirées par la nature islandaise. J’ai senti alors que toute collaboration était impossible. Il m’a semblé à ce moment là que tout était question d’argent, qu’il suffirait que j’achète mon costume de poupée pour que le projet commence. Mais cette poupée devait naître d’un échange, d’un imaginaire commun. À moi de trouver une autre façon de les inviter à jouer avec moi.

 

À Montpellier, j’ai cherché un photographe pour faire des images de moi dans mes costumes de poupée. J’ai contacté alors Jacques Fournel et nous avons convenu d’une collaboration. 

Dans le cadre de mes recherches sur ce que serait la poupée, il me prend en photo ; en contrepartie, je pose pour lui en tant que modèle. Je commence alors un travail de recherche qui va durer jusqu’en 2016. Je vais me confronter à son regard de photographe et nous allons avoir de nombreuses discussions au sujet du corps et du sexe, de l’image de la femme, du statut de modèle, de celui de photographe. 

 

De nos deux pratiques artistiques va naître un travail en miroir. 

Tandis que les images sont réalisées en studio, avec une lumière artificielle, dans une intention esthétique où le corps est l’objet du photographe. Je revisite les poses, les attitudes du mannequin, du modèle de nu, avec des costumes, des masques et des accessoires qui transforment peu à peu la poupéeen personnage burlesque jusqu’à devenir un corps abstrait.

« Je veux être ta poupée », c’est devenir un jouet grandeur nature, c’est se conformer à l’image que projette l’autre et s’en éloigner pour libérer le corps des stéréotypes qui qualifient la femme d’objet.

C’est le paradigme de la poupée. 

 

Bénédicte Loichemol