Panos Chicanos
L’art du Paño, diminutif de pañuelo, mouchoir en espagnol, s’est développé dans les prisons du sud-ouest des Etats-Unis à la faveur du Pachuco Movement. C’est la première affirmation de l’identité chicano en Amérique du nord (1940). Griffées façon tattoo avec l’encre de stylos à bille ces étoffes enluminées véhiculent leurs codes et transmettent leur propre technique d’une génération de détenus à l’autre. Ces dessinateurs autodidactes souvent condamnés à de lourdes peines, puisent leur inspiration dans la sous culture des gangs latinos de East L.A. Leur correspondance dépeint La Vida Loca dans le barrio ou illustre le temps qui passe derrière les barreaux. Elle glorifie les héros de la révolution mexicaine, interprète les légendes précolombiennes et revendique La Raza, fierté du peuple chicano. Les détenus ont inventé sur les mouchoirs fournis gracieusement par l’administration pénitentiaire leur propre façon de communiquer avec le dehors. En dessinant d’impeccables substituts illustrés, les seuls cadeaux envoyés à la famille, aux amis, aux amours au-delà des murs d’enceinte, ces artistes de l’intérieur préfèreront toujours la vérité et l’émotion d’un dessin aux phrases chuchotées entre deux gardiens dans le vacarme d’un parloir surpeuplé.
L’art du Pano nous renvoie à la vitalité de la culture populaire mexicaine qui même dans les pires moments célèbre son histoire dans une imagerie réinventée et comprise par tous.
Nous avons choisi de présenter une sélection de mouchoirs singuliers au regard du standard, par leur sujet ou leur approche technique. Le fait d’exposer ces œuvres « d’art brut » dans une galerie leur confère un nouveau statut, que l’accrochage épuré et impertinent, renouvelé régulièrement, révèle en créant des rencontres inédites.