Mind the gap 1
… au cœur de tout il y a ce vide… une attente, une ellipse entre toute chose…
C’est ce qu’il faut saisir de ce travail : les dessins ou les sculptures séduisent immédiatement et sans a priori (brio de l’exécution et de l’agencement : Nicolas Aguirre revient au faire, à la main, au labeur) mais ce qui les constitue en sourdine c’est un flux d’énergie entre formes et symboles, entre matière et silhouette : c’est une nuit… Les objets – trouvés, arrangés, usinés – forment une grammaire dont la syntaxe se renouvelle en stations – un néon, un dessin, un motif réapparaissent d’installation en installation, déviés, réinformés par l’ensemble qui souvent et sans doute toujours embrasse l’impalpable : l’âme, son commerce, une histoire spirituelle et religieuse, une anecdote personnelle, ses inconscients.
Les objets rayonnent dans une chaine métonymique propre au rêve et à l’association d’idée. Un cadavre exquis, déroulé seul. Si l’œuvre invente un conceptuel sensible – toujours à leur source il y a une recherche historique, un désir, un acte performatif, une purification, des étapes qui les précèdent dans leur incarnation temporaire : les œuvres vont muter plus tard, dans d’autres expositions, dans d’autres agencements, elles ne sont arrêtées qu’un instant : les projets de Nicolas Aguirre peuvent prendre des années – c’est par un équilibre entre matière et vide. Les contenants (vases, boites, tiroirs…) sont omniprésents. Des dessins il faut aussi apprécier les marges. Le néon est un creux. Le vase a brulé.
Révéler : comme en alchimie, un sens caché ou renouvelé de l’objet et de son association en espace et dans un contexte. L’échange : pas uniquement d’âmes mais dans l’installation entre spectateur (acteur) de l’œuvre, y creuser les vides, les fractures. Le vase éclaté se fait cœur, fleur, pétales pour que se lève une métaphysique de la forme et une archéologie du sensible. Le tout dans une forme de purgatoire, en attente d’états futurs, mémoriels surtout.
L’œuvre est en flux, il ne s’agit plus d’aboutir mais de creuser toujours. L’œuvre est impermanence, elle est en coexistence avec ce qui la précède, ce qui l’entoure, ce qui lui succède. Les images sont fantômes, elles hantent mais ne réapparaissent pas, elles s’échappent de la répétition. Elles s’esquivent… Les œuvres de Nicolas Aguirre au final se travaillent comme des émotions.
Vincent Honoré, octobre 2020