La rumeur des cercles 2
My God it’s full of stars ! s’exclame Dave Bowman juste avant de « pénétrer » dans le monolithe. 1
C’est exactement la sensation que l’on a en plongeant dans l’espace, les espaces devrait-on dire, traité par Abdelkader Benchamma.
D’emblée une sensation concrète nous attire et nous enveloppe, la force entropique du dessin nous submerge sous l’effet d’uneattraction gravitationnelle inconnue…
Puis la sédimentation fait son effet, laissant émerger les représentations simples, cachées, oubliées, secrètes, abandonnéespar le ressac de l’encre sur les parois …
Et si l’artiste était un naufrageur en quête des débris déposés par la marée noire de nos peurs ?
La conviction que le monde visible est rempli d’invisibilités - qu’il s’agisse de créatures ou de vaisseaux, de spectres électromagnétiques, voire de formes de vie spirituelle - démontre encore davantage les continuités entre les phénomènes célestes et les premières formes de croyances.
Quand on sait ce qu’il faut voir, on voit.
L’attente et l’espoir d’être témoin d’un miracle, combiné avec de longues heures d’observation feraient-ils saigner les statues ? Cependant, la nuit monte, pareille à une fumée sombre. La noria de dessins se tend d’appels lumineux, chaque parcelle allumant son étoile, face à l’immense nuit.
Alors même que tout est arrêté ; nous sommes les spectateurs de l’émergence d’un monde en mouvement, en fusion, comme en rêve.
Qu’est-ce que tu regardes ? m’a demandé une voix.
- Le monde ! ai-je répondu.
- Ah bon ? On le voit ?
La rumeur des cercles, évoque alors ce moment de pureté esthétique particulier, cette énigme, que la sensation concrète n’atteint jamais.
Christian Laune
1 Voir 2001 L’ odyssée de l’espace, Stanley Kubrick, 1968