Pierre Joseph, Le Feedback du spectateur ( Extrait )
Nicolas Exertier
Plus récemment, à Montpellier, lors d’une exposition à la galerie Les Chantiers Boîte Noire, l’artiste a présenté à côté de « dessins de mémoire » (des cartes du monde, du sexe féminin, des coupes anatomiques) réalisés par des étudiants, un texte de Ray Bradbury paru dans Le Monde. Un écrivain italien avait suggéré à l’auteur d’écrire une suite à Fahrenheit 451 dans laquelle les hommes qui ont mémorisé les livres se mettraient à réécrire ce qu’ils ont appris par cœur. Remis en situation, ce texte renvoyait bien sûr à tous les travaux de l’artiste réalisés autour des « processus d’apprentissage » et de l’idée de mémoire : cette mémoire qui était aussi à l’œuvre dans l’exposition du FRAC Poitou-Charentes – le propos des internautes étant faussé par la mémoire approximative qu’ils ont de l’art. Pour Pierre Joseph, la créativité réside dans cette mémoire défaillante et les approximations qui en découlent.
« Si quelqu’un était capable de restituer quelque chose de parfait, cela voudrait dire qu’il est complètement transparent et qu’il n’existe pas. L’existence tient peut-être dans le fait qu’il y a une certaine opacité en nous qui nous amène à nous écarter du modèle même quand on cherche à lui être parfaitement fidèle. C’est ce que je me dis lorsque j’enseigne aux Beaux-Arts. La transmission du savoir n’est absolument pas intégrale. Ce n’est jamais une duplication. Ce qui est utilisé n’est pas forcément ce qu’on voulait transmettre. Il y a une transformation mais au fond, « l’acte de création » réside peut-être dans ce qui a manqué à la transmission. Tout ça est complété par le processus créatif de chacun. Et c’est très bien comme ça ».